Méfiez-vous des Frank Underwood !

Vers le milieu des années 2000, la qualité des séries télévisées est montée en flèche. Les scénarios et le jeu des acteurs se sont considérablement améliorés et des caractères tridimensionnels ont fait leur apparition, dont nous nous soucions et avec lesquels nous nous identifions. Ce nouveau réalisme des séries TV a incité deux consultants Krauthammer à se pencher sur la personnalité et le comportement de personnages fictifs complexes .Poursuivez votre lecture pour découvrir quels personnages et situations ils ont jugés intéressants :

Jos Dames, consultant, évoque Carrie Mathison de Homeland

Carrie est le personnage principal de la série Homeland ; un agent de la CIA qui a pour mission de protéger son pays (les États-Unis) contre les attaques terroristes. Elle souffre de troubles bipolaires et il n’est donc pas facile d’évaluer sa personnalité. Carrie prend toutefois de la clozapine pour traiter ses troubles et son comportement résultant est fascinant.

Classiquement focalisée sur la tâche à accomplir, Carrie privilégie les missions, les objectifs et les résultats. Elle est travailleuse, motivée et performante. Mais son éthique professionnelle constitue à la fois son principal atout et sa plus grande difficulté, comme c’est souvent le cas pour les personnes focalisées sur leur tâche. Lorsqu’il parle de la CIA, le mentor de Carrie, Saul Berenson, lui dit « C’est ta vie ». Si elle tente par tous les moyens d’avoir une vie en dehors du travail, sa focalisation sur les tâches qui l’attendent l’empêche de véritablement y parvenir.

Lorsqu’il faut prendre des décisions, Carrie agit rapidement et résolument. Elle exige une action ferme et n’a guère de patience avec les personnes qui ne se comportent pas de la même façon. Elle a généralement une équipe qui travaille sous ses ordres, sous constituant ici le terme clé. Carrie se caractérise par un style de leadership direct : elle dit à ses collaborateurs quoi faire au lieu d’adopter une approche participative. Ce style de leadership s’avère souvent très efficace pour elle vu que l’organisation pour laquelle elle travaille est la CIA. Toutefois, son approche est parfois décrite comme froide et distante.

Effectivement, Carrie peut être un peu froide. Elle ne se soucie guère des sentiments d’autrui, de leur façon de penser et de leurs conseils. Plus particulièrement, elle ignore constamment les conseils bien intentionnés de sa sœur Maggie, qui est pour sa part une personne profondément bienveillante. Carrie tient aussi énormément à certaines choses, mais ses passions sont par contre essentiellement liées à son travail. Cela la rend d’une part efficace et performante mais d’autre part, elle est également stressée et isolée.

Ioannis Lagoudakis, partenaire Krauthammer, nous parle de Don Draper de Mad Men

Mad Men est une série dramatique sur une prestigieuse agence publicitaire à New York au début des années 1960, qui met l’accent sur l’un des publicitaires les plus mystérieux de la firme, Don Draper, extrêmement talentueux. 

Voyons comment la dernière saison de Mad Men s’accorde avec l’attitude Krauthammer…

Que proposez-vous ? 

Dans l’un des derniers épisodes, Peggy demande à Don de faire son évaluation. Don commence par lui demande comment elle envisage l’avenir. Peggy, irritée par l’absence de feedback concret et craignant qu’une nouvelle idée ne lui soit volée, quitte précipitamment les lieux.

Don a pourtant bien fait de poser à Peggy des questions sur ce qui lui semble important pour ses performances, ce qui l’enthousiasme et quels pourraient être les prochains points à améliorer. Dans une conversation à propos des performances, n’oubliez toutefois pas d’équilibrer vos questions avec un feedback observationnel concret et des résultats bénéfiques.

Confiance et responsabilisation

Qu’a fait Don lorsqu’il a été évincé par SC&P et qu’il a été décidé que Peggy devrait se charger de la présentation au client ? Peggy a hésité et il l’a un peu encouragée, lui expliquant que si le client signait elle pourrait le revendiquer comme une victoire et conserver le compte Burger King au lieu de le remettre à ses superviseurs. Et lorsque Peggy a exprimé ses craintes de ne pas y arriver, il lui a rappelé qu’elle l’avait fait un millier de fois auparavant. La responsabilisation exige la confiance et la confiance repose sur des faits concrets.

Accepter le changement

La scène finale de Mad Men montre Don, en train de psalmodier en harmonie avec ses collègues médiateurs. « Le jour nouveau amène un nouvel espoir », dit le leader du groupe. « Les vies que nous avons menées, celles qu’il nous reste à vivre. Un nouveau jour. De nouvelles idées. Un nouveau vous. » Certes, Don a échoué à de nombreuses reprises, puis s’est relevé, perdu dans la simulation d’une vie idéalisé qu’il aide à créer au nom du commerce. À la fin de la série, toutefois, il a pris conscience que l’Eden perdu qu’il s’est efforcé de créer pour lui-même et ses êtres chers n’est pas un événement, comme la présentation faite à ses clients, ni une destination, mais bien un processus en soi, un cycle de renouvellement. « Rien n’est permanent, sauf le changement ». Fort de cette perspective, il entreprend son nouveau voyage.

Frank Underwood, House of Cards

Le député Frank Underwood est le personnage principal de « House of Cards » – une série aussi populaire que sensationnelle sur Netflix avec Kevin Spacey. Il consacre toute son énergie, son temps et son intelligence à son unique objectif dans la vie : le pouvoir ultime, par tous les moyens. Manipuler et influencer autrui lui procure un plaisir extrême. Partant du principe que « la démocratie est surfaite », il intrigue, ment et manipule. Son terrain de jeu est la scène politique de Washington DC. Il met son intellect supérieur au service de son exceptionnelle maîtrise de la manipulation d’autrui, qui explique son insolente réussite. Il est assisté par sa femme, tout aussi impitoyable et assoiffée de pouvoir que lui.

Ce qui fait de « House of Cards » une série si spéciale, ce n’est pas seulement son intrigue originale ni les performances exceptionnelles des acteurs, mais aussi la représentation de l’implacabilité et la description d’un comportement narcissique pathologique explicite. Frank Underwood voit seulement la vie comme un jeu d’échec (auquel il joue plutôt bien), mais manque complètement d’empathie pour autrui.

Dans notre environnement de travail, nous devons souvent composer avec des personnes difficiles. Des études scientifiques révèlent que nous sommes tous confrontés à au moins un psychopathe dans notre vie. La proportion de psychopathes est d’environ 4 % dans une population mixte normale. Toutefois, bien des éléments donnent à penser que cette proportion est plus élevée dans certains environnements d’entreprise. Non seulement votre voisin mais votre collègue ou votre patron pourraient en être un.

Si vous pensez avoir un Frank Underwood pour collègue, cherchez d’abord à comprendre son comportement. Qu’est-ce qui pourrait le motiver ? Est-il réellement celui qu’il prétend être ? Faites attention à ceux qui contournent les règles de l’éthique et de la morale. La meilleure solution est de garder une saine distance.